Garder envie
 Ne pas se laisser dérouter par l'apparence « à la mode » du propos, les lumières pauvres, le dispositif de caissons lumineux, la présence du musicien. S'attacher d'abord à l'essentiel, ils sont là, trois qui dansent avec un plaisir extraordinaire. Et cette jubilation est, en soi, suffisante.
Comme dans What a day ! (1999) et son charme d e fête baba-cool comme on en osait plus, Thierry Thieû Niang est d'abord un chorégraphe qui aime à bouger. Or VI3S bouge beaucoup. Dans tous les sens, chacun son tour, en dehors du cadre, loin et presque hors de vue. Mais en même temps, même décalés, ils restent ensemble, obstinément jubilant. Comme l'enjeu est de chercher une nouvelle rencontre chaque soir, l'improvisation est reine mais les structures sont là, bien en place, et la virtuosité délicate (le travail de fluidité au sol ferait passer un chat pour un infirme du mouvement).
Et il y a la musique. C'est sûrement l'élément le plus curieux de ce projet. Pour chaque représentation, le lieu accueillant la pièce propose un interprète, batteur, clarinettiste ou contrebassiste. Ce dernier rencontre les danseurs en quelques heures et le soir, sans filet, tout le monde se lance. Pari sans filet. On retiendrait volontiers Klaus Janek de façon définitive tant le berlinois fut exceptionnel d'implication, d'inventivité et d'écoute mais le jeu est aussi dans le courage de ne pas se satisfaire d¹une seule rencontre, si belle soit-elle.
Relancée par le musicien comme une toupie par un enfant farouche, la danse éclate, va chercher tous les espaces disponibles, s'engage dans une exploration de ce qui fait la magie de la représentation.
L'espace conquis, même loin du focus (ce fameux champs de vision) est la justification même du propos : aller chercher le fragile et la vie de la représentation où qu'elle se trouve. Le plaisir de danser et d'être en scène est tellement patent qu'il est alors facile de dire où se trouve la danse : juste à ce point géométrique de la rencontre des quatre interprètes. Toujours changeant donc, vivant, mais aussi si simple.

Bancs d'Essai Internationaux 2002, Philippe Verrièle